# par Vincent Ménégon
Si on m’avait demandé de résumer ce Run de 100 km en ergo en une seule phrase, j’aurais pu dire : « Il ne faut pas s’aimer pour faire ça !! »
Oui, il ne faut vraiment pas s’aimer, et mes 2 coéquipiers, Nathalie et Vincent, l’ont entendu plusieurs fois ce samedi 16 Mai 2020. Aussi, c’est une expérience à réaliser avec quelques bornes dans les jambes quand même. C’est une condition essentielle à la réussite de cette course sur ergomètre, mais pas uniquement. À mon avis, la première condition de réussite c’est LE MENTAL. Et ce, en 3 verbes : vouloir, être capable, valider mentalement. Un plus pour moi, il me semble, c’était que je n’avais pas d’objectifs surréalistes. Il fallait tout simplement que je finisse ce Run proprement en 8h00, voire 8h30, sans faire appel à mes anciens collègues du Centre de Secours Principal de Bergerac.
On était vraiment bien tous les 3, ce samedi, suffisamment proches et suffisamment éloignés (réf. COVID-19) pendant un peu moins de 8h00, à proximité des coques du #snBergerac, avec une vue directe sur la rivière Dordogne. Merci à Vincent d’avoir eu l’idée de ce rapprochement et merci aux Coprésidents et entraîneurs d’avoir validé ce projet.
Mon ressenti de course se fera en 4 étapes.
1- De 00 à 40 km, soit environ 3h, c’était très facile sans aucune douleur, un B1 quoi. J’ai dû manger 5 ou 6 dattes, boire 3 litres d’eau additivée (ISO+), avec mon pote d’à côté on se disait des conneries
2- Après le premier marathon, j’ai commencé à ressentir des douleurs musculaires dans les cuisses, douleurs partagées avec Nathalie et Vincent, mais bon rien de méchant. Je regarde mon compteur, et je vois le passage de 50 000 m à 49 999 m. Quel plaisir de voir cela, je suis sur le trajet retour, peut être que je vais y arriver. Aussi je me pose la question : « Mais jamais tu n’es allé au-delà Vincent ? » Oui et alors, maintenant tu y es, tu continues ! Je ne peux pas écrire toutes les questions ou scénarii que j’ai pu me poser, ce serai vraiment trop long.
3- Arrivent les 20 000 derniers mètres, là je suis dans l’impasse ! J’ai mangé 2 bananes, 1 kg de dattes (non pas tant) et bu déjà environ 6 litres d’eau dopée. Oui, je suis dans l’impasse, je repense au sketch de « la palombière », à savoir : « J’ai plus faim, j’ai plus soif, mais j’ai toujours envie de pisser. » Sérieux, je n’en pouvais plus, il fallait que j’aille pisser. Bah alors j’ai dit : je me fiche pas mal du chrono, je pose le manche, je m’accoude au mur et je passe en mode Labrador... ça libère vraiment les chakras. Bref cela me permet de me détendre jusqu’au dernier 10 000. Forcément après ça (pipi, manger, boire) ma moyenne au 500 m a pris un sacré pet derrière les étiquettes. J’étais à 2 :18.7 et passe au-dessus de 2 :19. Pas grave, je m’en tape, je ne joue pas un titre ou la maison.
4- Quand je vois 9 999 m, tout s’illumine dans le bocal. Mis à part les multiples douleurs gérables, même les trapèzes et cervicales, tiens ça me rappelle les retours en bus les dimanches soir, le couple ventilation/cardio est au top. Je tape à ±145 bpm. Donc là je me dis : « Vincent tu dois arriver aux 100 km les réservoirs vides. » Donc j’ai poussé un peu plus, aidé par les encouragements de mon pote Vincent. 5 000 m le rêve, je suis bien et j’ai réussi à descendre à 2 :13 sans souffrance. Puis arrive le dernier 2 000 m, là je m’amuse (façon de dire) à faire des impulsions à 2 :00 au 500. Le dernier 1 000 m, le dernier 500, 250, 100 ! Moins de 10 coups à faire. Et puis la fin, la libération, bordel j’ai réussi à finir ce 100 km. Je pensais pouvoir le réaliser en 8h00, voir 08h30, si ça allait mal. Bah non j’ai mis 07:43:13.3 et après 9 507 impulsions !!! C’est un double exploit pour moi, le finir et en moins de 08h00. Cela conclut en beauté cette partie indoor due au confinement.
Je remercie tout d’abord ma femme pour m’avoir supportée pendant tout ce confinement où j’ai ramé pratiquement tous les jours. Enfin je remercie Antoine Deleau ainsi que nos 2 Présidents Thierry Beaumain et Bruno Henry car sans eux je n’aurais jamais pu réaliser ce dernier Run ainsi que ces presque milles kilomètres (979 133 mètres exactement).
# par Nathalie Villechenaud
Le confinement a été l’occasion de se lancer dans des défis extraordinaires sur l’ergomètre. Ça a commencé avec le semi-marathon : 21 km c’est comme monter jusqu’au rocher (ça parle aux habitués) donc rien de compliqué, puis le marathon 42km ça paraissait plus difficile mais beaucoup de rameurs à travers la France se lançaient dans ce défi, il n’était donc pas impossible. Les coureurs à pieds ont des épreuves mythiques, le marathon en est une. J’ai toujours eu envie de pouvoir vivre ce genre d’épreuve physique mais la course ce n’est plus pour moi. En revanche, le faire sur un rameur c’était possible. Et puis on a vu quelques rameurs réaliser le défi du 100 km. Ça a déclenché une envie irrésistible de tester cet effort très particulier, qu’on nomme d’ultra endurance. Un 100 bornes c’est très parlant pour moi qui ai vu mes parents dans les années 80 faire les 100 km de Belvès (je les suivais avec mon petit vélo et les ravitaillements sur le porte bagage). Je voulais faire moi aussi cette expérience.
J’avais confiance dans mes qualités d’endurance. Quand on vieillit et si on s’entraîne bien, ce qu’on perd en puissance on le compense par une grosse capacité aérobie. Mais il faut trouver l’allure qui permet de durer pendant des heures sans trop s’approcher de la limite où on commence à produire de l’acide lactique. C’est l’allure en endurance fondamentale, entre 60 et 70% de sa fréquence cardiaque maximale. Donc j’ai cherché l’allure idéale pour rester facile pendant 2h. Conclusion : entre 2min 21 et 2min 23 aux 500m c’était l’allure facile. Ça amenait à faire le 100km plus ou moins en 8h.
Et puis j’ai regardé le temps du record du monde par curiosité 7h50m56s soit 2m 21s 2 aux 500m soit pas très loin par rapport à ce que j’envisageais. Il était donc accessible, enfin peut-être…
C’est là que j’ai beaucoup douté et hésité entre la sagesse de partir plutôt en dedans pour être sûre de finir ou bien tenté le record en partant un peu plus haut avec le risque de partir trop fort et de prendre le mur comme on dit.
La veille, j’étais sur la version sage. Et j’ai vu la performance d’un rameur d’Arcachon qui a battu le record de France du 100 km en partant à 72% de son max et en réussissant à tenir l’intensité tout le long. Un petit message pour lui demander des conseils et une réponse à 5h du matin le jour J qui me confirme que je peux envisager la version plus haute. Ça y est, je suis décidée, je vais partir sur les bases du record et essayer de tenir. On verra bien.
6h40 à la fraîche, prête à commencer avec mes complices, les deux Vincent, suffisamment à distance par rapport aux règles de distanciation physique mais présents pas loin. Ça rassure quand même de ne pas être totalement seule.
C’est parti, sur la base de 2min 20s aux 500m et le cardio se cale sur 132 battements à la minute comme prévu. J’ai prévu de regarder des séries de Netflix sur ma tablette le temps de l’autonomie de mes écouteurs sans fil c’est-à-dire 4h. C’est facile, je suis en équilibre respiratoire mais je doute un peu car le cardio dépasse assez souvent la limite que je me suis fixée. Mes coéquipiers battent plus bas, ils sont plus sages. La question est jusqu’à quand le cardio va rester comme ça. J’essaie de contrôler, de maîtriser l’intensité pour que le cardio se calme. Mais je me sens très bien.
3h après, les douleurs musculaires commencent à apparaître surtout dans les ischios. Mais rien de grave. Je cherche le relâchement, l’économie du geste. Le cardio s’approche de 140, il monte tout doucement, tout va bien.
50km, on bascule du bon côté mais il en reste autant donc il va falloir être très patiente. Le cardio s’approche de 150 c’est comme un entraînement en B2 je sais qu’on peut tenir très longtemps à ce rythme, j’ai confiance. Les séries c’est fini, il n’y a plus de distraction mais je me rends compte que les heures défilent plutôt rapidement. Je fais très attention, dès le départ, à boire de l’eau sucrée toutes les 20 min et à manger un peu toutes les heures. Et cela rythme mon effort. Je me réjouis parce que dans 5 min je vais boire. Ça passe relativement vite. On se satisfait de tout petit rien. On est vraiment dans l’instant présent. Je suis toujours à égale intensité, depuis le début je tire à 2min 20 / 21 aux 500m juste en dessous du record.
Il reste 20 km, je reste très prudente, je ne veux pas accélérer parce que je sais qu’une défaillance est possible jusqu’à la fin. La douleur aux talons qui frottent est assez désagréable. Je pense à me redresser pour soulager mon dos, je veille à raccourcir la longueur du coup pour protéger mes genoux fragiles. Je suis toujours très à l’aise au niveau cardio mais je commence à sentir une fatigue dans les bras alors je me concentre sur la poussée des jambes. Ça occupe l’esprit.
6000m avant la fin, je suis toujours très bien au cardio, 155 battements/min environ et je me dis que je suis en tête de rivière à Sainte Livrade, en gros dans une demi-heure c’est terminé. Ça va le faire ma moyenne aux 500 est largement en dessous du record, je me rends compte qu’elle ne bougera pas beaucoup, alors je continue au même rythme sans en faire plus.
2000m, dernier bassin, dans 9 min c’est fini. J’aurais voulu pousser un peu plus mais à quoi bon. Je vais attendre. Pourquoi se faire mal ?
Dernier 500m bon là pour le plaisir de finir un peu plus tôt et parce que la défaillance n’arrivera pas, j’augmente l’intensité pour le plaisir de faire un tout petit « enlevage ».
J’ai gagné mon pari personnel, 7h 49min 36s soit 2min 20s 8 aux 500m, record du monde dans ma catégorie.
Je suis contente d’avoir réussie et je suis aussi très contente de l’avoir fait sans souffrir. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je n’aime pas avoir mal. Etonnement, je n’ai pas senti la douleur musculaire que l’on ressent à la fin d’une course sur 500m, sur 1000m et sur 2000m. Cet effort-là est tout à fait différent. Il n’est pas désagréable du tout quand tout se passe bien et qu’on ne rencontre pas le fameux « mur ».
La fatigue, je l’ai sentie dès que je me suis arrêtée et que je me suis levée comme si le mouvement perpétuel avait en quelque sorte anesthésié mon corps. Pour finir, c’était une sacrée expérience sportive, très centrée sur soi, c’est vrai mais qui contribue à mieux se connaître encore.
Merci aux deux Vincent qui ont accepté de relever le défi avec moi, aux présidents Bruno et Thierry qui ont accepté qu’on le fasse devant le club, aux copains qui sont passés nous voir et aux coachs qui acceptent nos délires un peu fous de vieux rameurs.
# par Vincent Martin
Bon alors, comment résumer cette folle aventure ?
Tout d’abord, il faut revenir à ce qui nous a amené là, c’est-à-dire le confinement car je crois bien qu’avant cela, personne (du moins normalement constitué) n’aurait pensé à se lancer dans un tel défi.
Pour ma part, tout est allé vite. J’ai un ergomètre depuis 4 ans chez moi mais je n’avais jamais dépassé les 15 km. Je me rappelle les entraînements avec Christian Crespy pour le Crunch à Paris, j’ai passé deux mois à me lever à 4h du matin pour pouvoir m’entraîner. Mais là c’est autre chose avec le confinement, il n’y a pas d’enjeu, à part d’occuper le temps. Donc on a participé au World Erg Challenge d’avril et là tout s’est enchaîné, semi-marathon, marathon, relai 24h jusqu’au fameux 100 km.
En ce qui me concerne, j’ai rempli cette mission, jusqu’aux trois quarts mais cela valait le coup. Déjà pour respecter l’esprit de camaraderie qui impose à vos coéquipiers de vous attendre quand vous êtes en retard. Ce jour J, je pars avec l’esprit ailleurs en sachant pertinemment que je n’avais pas la condition pour le faire. Mais étant donné que je m’étais engagé, je devais aller jusqu’au bout.
Donc pour résumer, je pars sur un facteur de résistance peu élevé par rapport à d’habitude (90), les 40 premiers km passent comme une fleur. Merci au passage à Vincent de m’avoir mis les Pink Floyd.
Ensuite, je me sens pousser des ailes, je passe d’une moyenne à 2m11s aux 500m à 2m06s sur 20 km et là je savais que ça ne tiendrait pas mais peu importe pour ma tête de mule, je ne sais pas faire les choses en douceur.
Le verdict tombe au 74ème kilomètre avec abandon. Cela ne me ressemble pas mais il faut se faire une raison.
C’est un échec qui va me permettre de reconstruire derrière. Je remercie Vincent et Nathalie qui m’ont supporté et je les félicite d’être arrivés au bout.